Descriptifs

 

Abstraction et concrétion – Impressions tunisiennes d´une artiste allemande

L´œuvre de Brigitte Binzer-Zitouni se définit par les deux termes abstraction et concrétion. L´abstrait se manifeste par les formes proches de l´art abstrait des années cinquante du siècle dernier. Ce sont des carrés, des triangles et des bandes de différentes largeurs, mais tous d´une couleur éblouissante. C´est en utilisant ces formes que Binzer compose ses tableaux qui présentent des séries complètes et aussi des triptyques. Là, il faut souligner que la succession des différentes parties n´est jamais respectée. Ainsi, à travers les différentes positions, soit en changeant l´ordre des tableaux librement, soit en les installant étroitement, on obtient de nouveau une autre image.

Les compositions de Binzer deviennent concrètes au moment où elles se rapportent sur des termes concrets. On le constate notamment dans son petit dictionnaire tunisien, qui contient quelques mots importants de la langue arabe issus de la vie traditionnelle. Comme par exemple: Ain (source), Bab (portail), Bir (source), Bordj (château fort), Chott (lac salé), Djébel (mont), Erg (dunes), Fonduk (auberge), Hammam (bain chaud), Kasbah (citadelle), Médina (vieille ville), Ribat (monastère), Souk (marché/basar), Oued (vallée du fleuve) et enfin Zitouna (olive) qui est à l´origine de son propre nom, car „Zitouni” c´est le nom de famille de son mari tunisien. Donc, pour elle, ces mots sont devenus importants à cause de ses séjours en Tunisie. Là, elle a adopté l´ ambiance de son environnement et l´a transposée en des signes autant simples qu´expressifs. Sans avoir recours à la langue, la signification des différents termes se retrouve facilement dans les dessins. Les formes en relation avec les couleurs deviennent ainsi des symboles donnant une signification concrète. En outre, les notions générales de la langue tunisienne trouvent une place dans la propre existence de l´artiste. La combinaison des signes et des mots dans le petit dictionnaire est d´un intérêt général.

La série qu´on trouve dans le petit dictionnaire n´est qu´un exemple, entre autres, dans l´œuvre de l´artiste allemande qui vit à Kronberg près de Francfort/Main. On y reconnaît l´inspiration qu´elle a eue pendant ses séjours réguliers en Tunisie. Ainsi la peinture de Brigitte Binzer a absorbé les couleurs de la Tunisie. Dans le bleu foncé se retrouvent le ciel et la mer, dans le blanc et le jaune le désert et le sable, et le bleu et blanc forment une symphonie tunisienne. Ces couleurs reflètent bien le savoir- vivre en Tunisie, l´ambiance et l´atmosphère du pays.

Dr. Viola Hildebrand-Schat, Institut d´ Histoire de l´Art à l´ Université „Johann Wolfgang von Goethe“, Francfort/Main

 

L´art de la pensée

Quand l´observateur attentif ne tient pas compte du jeu des éléments ou de leurs aspects simplement décoratifs, il s´aperçoit alors que, derrière toute géométrie et les lignes droites tracées à la règle sur des surfaces bien délimitées, il y a une sensibilité dans la composition et une passion qui accompagne la participation intérieure de l´artiste dans son œuvre.

Nicolas Jungwirth, article paru dans le journal „Frankfurter Rundschau” du 12.8.1996

 

Les Triptyques de Brigitte Binzer 1984–1992

Les triptyques de Brigitte Binzer sont caractérisés par les couleurs fort nombreuses faites sur le blanc et qui apparaissent particulièrement sous des formes bien déterminées. Le rouge a toujours la forme d´un carré, le bleu faisant un triangle et le jaune apparaît, sans cesse, sous forme de bandes régulières. Seulement la couleur noire jouit d´une vaste liberté, elle couvre les espaces entre les différentes formes des autres couleurs; soit comme bandes (larges rayures) soit sous une forme irrégulière.

A travers ces formes les fonctions des couleurs sont bien fixées: le rouge et le bleu constituent d´une part la plus grande surface et d´autre part la couleur la plus agressive en soi formant ainsi un contraste du spectre. En plus, ils sont formellement désignés comme un pôle de tension. La valeur du jaune est affaiblie par l´introduction du noir. Là, c´est la valeur de la forme qui domine. Selon l´ajustement des tracés, cette valeur de la forme est partie prenante dans une surface d´unité plutôt statique que dynamique. Mais le noir forme souvent une sorte de parenthèse par dessus les trois tableaux.

Le fait de composer à base d´un vocabulaire créateur aussi restreint nous rappelle „Tangram“, un jeu émanant du sud-est de l´Asie et qui consiste à placer des éléments triangulaires différents dont le nombre est limité. Les toiles ont toujours les mêmes proportions (75 x 90 cm, 100 x 120 cm, 150 x 180 cm, et enfin 200 x 240 cm) et elles sont interprétées comme des tableaux concrets. Bien que les tableaux de Brigitte Binzer ressemblent au „Tangram“ au point de vue concentration et aussi dans l´effet méditatif de la composition, il faut souligner qu´ il y a une grande différence quant à la qualité de la peinture et les solutions des problèmes de couleurs.

La travail créatif de l´artiste dans la peinture des surfaces se fait par étapes. Elle couvre les surfaces progressivement en tapant légèrement avec un pinceau rond et épais, imbibé de couleur. Un processus qui dure des heures. La plaque en bois, sur laquelle repose le fond de toile, donne une certaine stabilité, elle est posée sur le sol où l´artiste s´agenouille devant et s´y adonne avec dévouement. La réalisation des surfaces est soumise pendant cette activité méditative à une propre dynamique considérable. Ce qui en résulte, ce sont des champs de couleurs qui paraîssent flotter doucement par la densité des pigments. A côté de la composition „dure” des surfaces les unes par rapport aux autres, on remarque une certaine „douceur“ qui s´engage des mêmes surfaces. Le contraste structurel, que constate l´observateur, contribue à la tension esthétique de l´œuvre.

A travers la combinaison des couleurs, le rouge est mis en relief en tant qu´élément fondamental de la composition. En conséquence, ceci facilite toujours à l´observateur l´accès au tableau et sert même de point d´identification. Effectivement, l´artiste développe aussi sa composition habituellement à partir d´un carré rouge.

Dr. phil. Thomas Röske, Francfort/Main, 1992, Directeur du musée „Prinzhorn“ de la clinique psychiatrique à l´Université de Heidelberg